CONSEIL DE L'EUROPE - COUNCIL OF EUROPE
DIVISION DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE

2ème Cours Intensif Européen - 4ème Séminaire International
LES PREMIERS OPÉRAS EN EUROPE
ET LES FORMES DRAMATIQUES APPARENTÉES

PARIS - FONTAINEBLEAU - VERSAILLES
24 NOVEMBRE - 4 DÉCEMBRE 1988
Centre National de la Recherche Scientifique, Paris - Université deParis IV-Sorbonne


 
MAURO UBERTI

IDÉAUX ESTHÉTIQUES ET TECHNIQUES VOCALES
À L’AUBE DU MÉLODRAME



LA MULTIPLICITÉ DES TECHNIQUES VOCALES


J’ai déjà eu ailleurs (1) l’occasion de traiter des techniques vocales en Italie dans la deuxième moitié du XVIe siècle - donc des techniques employées au moment de la naissance du mélodrame - et j’avais bien pensé alors donner la priorité aux aspects bio-mécaniques du phénomène en interprétant d’une manière phonétique et physiologique les documents musicologiques et icononographiques. Le présent exposé consiste à lire à travers une grille plus culturelle les mêmes phénomènes.
L’assertion tout à fait évidente est la suivante: l’évolution historique de la musique vocale et celle des techniques de la voix se conditionnent réciproquement comme il est toujours arrivé pour les instruments et les musiques écrites pour eux; un’utile contribution aux connaissances sur la naissance du mélodrame peut donc dériver de l’exploration du monde vocal de cette époque.
Les termes du problème ne se posent pas de la même manière pour tous les centres musicaux où des oeuvres en musique commencent à être représentées. On a beaucoup de renseignements sur les situations professionnelles des différents chanteurs mais elles auraient besoin d’être mieux étudiées afin d’en tracer une histoire et une géographie plus précises. En 1592, lorsque Ludovico Zacconi parle sans aucune ambiguïté de ceux qui « apprennent à chanter doucement dans les chambres où on abhorre le chant fort et n’ont pas besoin de chanter dans les églises où chantent les chanteurs salariés... » (2), il se réfère à une situation musicale bien précise qui s’éclaire si on pense aux milieux où les musiques de ce temps-là étaient jouées: d’un coté les « chambres » patriciennes aux dimensions assez réduites (en fonction desquelles on avait développé, par exemple, des instruments dont la sonorité était adéquate comme le luth ou la viole de gambe), de l’autre coté, les cathédrales, bâtiments d’énormes dimensions que des choeurs composés de quelques chantres seulement avaient à remplir de son. Les lieux de dimensions intermédiaires, spécifiquement dévolus à la musique, entre la salle des palais et l’église, étaient, au contraire, rares encore, comme les théâtres qui devaient pulluler quelques années plus tard.
Sur les qualifications professionnelles - et donc techniques des chanteurs on pourrait en savoir probablement davantage en approfondissant les sources biographiques déjà connues. Il parait raisonnable cependant d’essayer de déterminer les conditions de travail variant en fonction de la spécialisation et du type de travail: chanteurs d’église et chanteurs de chambre; chanteurs liés à des lieux précis et chanteurs doués de leur liberté de déplacement.
Pour donner des exemples, je citerai deux situations opposées qui, bien que décrites à des époques différentes de celle qui nous occupe, sont révélatrices parce que bien connues.
Durant la deuxième moitié du XVe siècle, à la cour de Ferrare « il y a en même temps quatorze musiciens employés dans la musique profane (chanteurs et instrumentistes) mais on n’a pas de témoignages prouvant que l’un d’eux était employé dans la Chapelle de la cour pour chanter motets ou messes. C’est pendant cette période que des musiciens très importants passaient à la cour de Ferrare, tels Josquin des Prez, Japart, Ghiselin, Isaac et Obrecht, mais ceux-ci avaient à leur disposition les chanteurs de la Chapelle et on peut exclure qu’ils utilisaient les chanteurs appartenant à une autre section, parce que ceux-ci chantaient la musique profane dans un style particulier d’exécution » (3).
En revanche jusque tard dans le XVIIe siècle, les chantres pontificaux pouvaient passer de la polyphonie de Palestrina à la polychoralité, disons, de Ruggiero Giovannelli et de là, à la monodie sacrée d’oratorio, de chambre et de théâtre (4). On sait aussi que les choeurs pour les grandes exécutions polychorales romaines du XVIIe siècle étaient composés par solistes (de trois à six chantres au maximum), les mêmes qui ensuite chantaient sur les scènes ou dans les chambres de barons et de cardinaux romains ou du pape régnant lui-même (5).
Il est donc vraisemblable que les chantres de la cour de Ferrare avaient cultivé déjà deux techniques différentes et plutôt déterminantes - de force et d’ agilité - alors que les chantres romains de deux-cent ans après cultivaient une plus grande souplesse technique (mais les mots de Zacconi nous conduisent à penser que, au moins dans certains endroits, des situations analogues à celle de la cour de Ferrare existaient encore à la fin du XVIe siècle).
Une autre possibilité encore c’est que le goût des auditeurs du XVIIe siècle, déterminé aussi par l’évolution des situations économiques et sociales, étaient en quelque sorte analogue à notre propre goût d’hommes du XXe siècle, qui n’avons pas de peine à accepter que les musiques des genres le plus différents soient interprétées toujours par le type d’émission vocale unique dérivée des bouleversements techniques survenus dans le domaine lyrique autour de 1830. Pour mieux dire, les deux situations - celle de la spécialisation vocale et celle de la polyvalence - semblent coexister en pratique quand le même musicien - en l’occurrence Claudio Monteverdi - semble trouver tout à fait normal d’ouvrer dans des domaines assez différents. Quand, par exemple, dans la lettre du 9 juin 1610 au Duc de Mantoue (6), il rédige un rapport sur « un contralto venu de Modène », il dit que pour se faire un opinion, il l’a fait chanter sur l’orgue et sur la scène mais qu’il n’a pas pu écouter des madrigaux parce qu’il était déjà prêt à partir. Cela signifie que de ce chanteur Monteverdi attendait des prestations vocales soit de chambre aussi bien que de chapelle. Cependant, dans la lettre du 9 décembre 1616 à Alessandro Striggio (7) il manifestait sa réticence à mettre en musique « La Favola di Teti e Peleo » du comte Scipione Agnelli parce qu’ « il faudrait une voix forcée au lieux d’une voix délicate de chantre » et cela fait penser à l’emploi répandu de deux différentes catégories de chanteurs.
Étant donné ces préambules sommaires sur la voix du point de vue culturel, il faut en ajouter quelques autres du point de vue physique.
La phonétique nous apprend que chaque voyelle a son timbre propre, auquel correspond un spectre acoustique caractérisé par des groupes d’harmoniques appelés « formants » et que l’identification des voyelles par l’oreille consiste principalement à localiser la position du premier et du deuxième formant dans l’échelle des fréquences. Si on admet qu’un phonéticien-acousticien aurait bien de réserves à faire pour préciser ce que je vais dire, on peut sommairement identifier dans le spectre de la voix trois régions différentes de fréquence, chacune responsable grosso modo d’une caractéristique fondamentale du timbre :
- premièrement, une partie basse, correspondante au premier formant et à la résonance de la cavité pharyngienne, responsable de la couleur générale de la voix;
- deuxièmement, une partie moyenne, correspondant au deuxième formant et à la résonance de la cavité buccale, responsable en général de la différentiation des voyelles;
- troisièmement, une partie aiguë, correspondant à la zone de plus grande sensibilité de l’oreille et déterminée par la section de la partie antérieure du canal vocal, responsable de l’émail de la voix.
Le but de toute technique étant de produire un objet sonore, c’est-à-dire un type de voix doté de caractéristiques acoustiques données, les trois éléments décrits entrant en dosages divers dans la « recette » des timbres obtenus suivant les différents comportements phonatoires, il est commode de les considérer comme des paramètres du timbre de la voix chantée.
Le chemin inverse, par rapport à celui de la recherche physiologique, pour arriver à conclusions plausibles sur les techniques vocales des époques passées, peut donc être de s’interroger sur les idéaux esthétiques de chacune de ces périodes et de se demander de quelle façon la voix pouvait les traduire. On verra ainsi que les résultats de cette méthode coïncident avec ceux de la physiologie, compte tenu du fait que les connaissances physiologiques peuvent nous conduire à corriger la perspective sur les idéaux esthétiques du passé.
Rien, toutefois, dans la présente démarche, ne pourrait nous fourvoyer autant que de présumer qu’il n’existe que deux moyens d’utiliser la voix, qui correspondraient strictement aux deux techniques générales décrites plus haut, d’église et de chambre. D’Isidore de Seville (8) jusqu’à Bénigne de Bacilly (9) - pour citer seulement les auteurs qui décrivent de façon apparemment plus consciente la variété des voix possibles - les auteurs insistent sur la multiplicité des types de voix qui, en termes physiologiques, correspondent à une égale variété de comportements phonatoires. C’est la raison pour laquelle on a intitulé cette leçon « Idéaux esthétiques et techniques vocales »; dans l’étude des comportements phonatoires en effet - à quelqu’époque qu’ils appartiennent - on ne peut distinguer que des convergences d’intention dues au goût du moment.


LA TECHNIQUE DE CHAPELLE ET LES TÉMOIGNAGES MÉDICAUX


Parmi tous les auteurs qui, à travers les époques, nous livrent des renseignements sur la manière de chanter, Camillo Maffei est celui qui, sans en avoir l’air, analyse le plus clairement les trois constantes du goût vocal sur lesquelles l’intérêt des auditeurs s’est toujours polarisé. Lorsqu’il dit, dans ses « Lettres », que « l’un aimerait bien n’écouter que des passages de « garganta », l’autre loue le chant doux et suave, l’autre le chant dans la chapelle » (10), il fait allusion aux trois manières fondamentales de chanter qui, au moins dans la tradition occidentale, peuvent être considérées comme constantes : chant d’agilité, d’expression et en puissance. Les trois manières de chanter subiront des modifications, selon l’époque et le pays, suivantes les goûts et les genres musicaux.
La manière de chanter qui a subi moins de variations au cours du temps a probablement été celle de la chapelle, soit à cause de l’attitude conservatrice qui caractérise toute manifestation religieuse, soit en raison de l’immutabilité du milieu architectonique où le chant liturgique se déploie, soit encore parce que les caractéristiques phonétiques des textes latins sont constantes.
En dépit de la ténuité des exécutions modernes de musique sacrée, qui sont toutefois considérées comme philologiques - mais la Chapelle Sixtine, dont la tradition est ininterrompue, chante encore à pleine voix - au moins deux textes de médecine des temps anciens existent, qui ne laissent aucun doute sur l’engagement physique des chantres de chapelle. En 1569 déjà, Girolamo Mercuriali enseigne (11) qu’ « il est dangereux d’émettre longtemps à pleine voix parce qu’il arrive assez souvent que de ces exercices vocaux viennent hernies ou d’autres ‘fissures’ (12), comme les prêtres et les chantres d’aujourd’hui peuvent l’assurer ». Mais en 1745 encore, Bernardino Ramazzini da Carpi, auteur du premier traité de médecine du travail de l’histoire, affirmera que « les joueurs d’instruments à vent, les chantres, les prédicateurs, les moines et les moniales qui psalmodient continuellement dans le choeur, les avocats, les hérauts, les répétiteurs, les philosophes qui disputent dans les écoles jusqu’à affaiblir (...) ceux-ci risquent pour la plupart de souffrir de hernies » (13).
Dans quelle mesure les chantres de chapelle chantaient donc fort? La réponse est évidente : ils chantaient si fort qu’ils attrapaient des hernies.
Un facteur phonétique caractéristique de la technique de chapelle, mais pas seulement de celle-ci, c’était une certaine assombrissement du timbre. Mercuriali ne laisse aucun doute sur l’emploi de la respiration fractionnée, obtenue par des bandes constrictrices, comme moyen de éducation de la voix. Ce genre de gymnastique a en particulier pour conséquence :
- d’accentuer l’ouverture latérale des cotes;
- de provoquer un glissement plus complet des lobes pulmonaires inférieurs dans les sinus costo-diaphragmatiques;
- de prolonger l’abaissement du larynx dans la gorge;
- d’allonger par conséquent la cavité faringienne de résonance.
Cet allongement détermine surtout l’abaissement du premier formant vocalique et, par conséquent, l’obscurcissement général de la couleur de la voix. De cette modification du timbre résulte un meilleur rendement vocal car les fréquences les plus basses du spectre sont renforcées et, selon les lois de la diffusion du son, pour une égale intensité elles parviennent plus loin de celles aiguës; par conséquent le chant se répandait plus largement sans augmenter la fatigue laryngienne du chantre. A’ cette manoeuvre globale correspond en outre un meilleur rendement du travail phonatoire tout entier, dont il faut encore chercher, cependant, les causes précises.
Soulignons, avec quelques prudences, que la technique vocale partiellement décrite correspond à la technique moderne provenant de l’époque romantique seulement en ce qui concerne la respiration; dans ce comportement phonatoire, la manoeuvre d’abaissement du larynx comme un bâillement simulé reste absente. Les deux types de technique sont donc fondamentalement différents.
Une pratique respiratoire analogue, en ce qui concerne les résultats physiologiques, a été décrite par Maffei, déjà cité, et son témoignage de médecin est tout à fait probant : « Un bon remède est de tenir une plaque de plomb sur l’estomac, comme le faisait Néron lui-même » (14). Puisque, quoi que de manière moins artificielle, l’exercice à le même but que celui de Mercuriali, il faut en tirer quelques conséquences :
- premièrement, que les « phonasques » grecs, auxquels Néron faisait confiance (15), connaissaient la voix beaucoup mieux qu’on ne pense et avaient étudié le problème de la diffusion du son dans les théâtres en pleine air de façon rationnelle;
- deuxièmement, à la lumière de ces pratiques des indications qui pouvaient paraître secondaires au premier abord se chargent de sens. Je me rends compte, par exemple, que avant de lire le traité de Mercuriali, j’avais moi-même trahi le sens du mot : « fiancho » (= flanc) employée par Zacconi quand’il dit que « beaucoup n’ont ni ‘petto’ (= poitrine) ni ‘fiancho’ » et qu’ils doivent s’arrêter au bout de quatre ou six notes (16). A’ présent il me semble que je peux raisonnablement en inférer que la locution : « avoir flanc » signifie en fait : posséder une mure technique respiratoire.
- troisièmement, alors en dépit de ce que je croyais avant analyser ces questions, le chant artistique dans la société italienne cultivée devait être plus sombre que celui que la pratique actuelle des musiques anciennes nous a habitués à écouter;
- quatrièmement, un faux problème de la redécouverte actuelle de la technique vocale ancienne, c’est celui du vibrato qui, suivant l’opinion de certains musiciens, serait un élément artificiel de la voix. Il est possible vérifier expérimentalement, au contraire, que n’importe quel système vibratoire pneumatique, où l’alimentation du flux de l’air est assurée par un réservoir élastique, produit un vibrato et la voix humaine ne fait pas exception (17). Expérimentalement toujours, on peut vérifier qu’au changement du type de respiration commun dans le comportement respiratoire décrit ci-dessus, correspond une profonde modulation de la fréquence en même temps que le passage d’une état d’opposition de phase entre le vibrato en amplitude et celui en fréquence à une correspondance de phase, qui donne lieu à des similitudes inquiétantes entre les connotations expressives des techniques modernes et des techniques anciennes.


LA « DISPOSITIONE » OU AGILITÉ’


Après cet exposé qui a en fait été une longue introduction au thème véritable de cette leçon - mais qui était inévitable pour éclairer ce qui va suivre - nous allons parler enfin des idéaux esthétiques que les techniques vocales étaient censées réaliser physiquement. Il s’agit donc d’analyser les catégories tout à fait abstraites qui auraient du conditionner un phénomène aussi concrètement physiologique que le comportement phonatoire.
L’un de ces idéaux esthétiques a certainement été la « dispositione » (18) ou agilité. A partir du grégorien jusq’au la fin du XIXe siècle, l’agilité est la plus constante caractéristique technique et, par conséquent, esthétique du chant artistique. Mais, alors que dans la pratique de nos jours l’agilité se transforme en une habilité de rossignol mécanique, dépourvue de signification, pendant toute l’époque de l’ « aria col da capo », elle fut au contraire l’un des moyens d’expression les plus importants.
Le discours sur l’agilité pourrait occuper à lui seul la totalité d’une leçon mais on se limitera ici à dire que le sens le plus profond du remplacement d’une note ou de quelques notes de longue durée par plusieurs notes de moindre durée n’est pas de couvrir d’oripeau la mélodie mais correspond à l’accentuation mélodique de la phrase parlée. C’est seulement une analyse superficielle, qui prétend que la ligne musicale ne peut être modulée comme la parole; en réalité les diminutions et les passages sont autant d’accents mélodiques forts ou faibles destinés à se combiner avec les accents dynamiques et quantitatifs. Naturellement leur fonction d’accentuation ou d’atténuation d’une syllabe dans la phrase doit être évaluée chaque fois selon la situation musicale particulière.
Il est intéressant d’observer que même le « recitar cantando » ne renonce jamais à ce moyen d’expression et fait un emploi naturel de mélismes plus ou moins prolongés chaque fois que la nécessité s’en fait sentir, si bien que l’on pourrait constituer un véritable vocabulaire des clichés composés par de mots particulièrement riches de sens et d’embellissements de valeur expressif correspondant.
Sur la façon d’exécuter ces traits d’agilité, je connais peu de documents mais significatifs :
- Gio. Battista Bovicelli : « Les doubles croches doivent être bien détachées outre que exécutées avec agilité (19).
- Antonio Brunelli : « En chantant il ne faut pas faire les doubles croches inégales : cela arrive à cause de leur rapidité; mais il faut les marquer d’un coup de glotte distinctement afin que le passage soit bien réalisé. Parce que toute la force de l’agilité consiste dans le battement de la glotte (20).
Sur la manière d’atteindre cette agilité, Brunelli cependant s’esquive : « Que ceux qui ne connaissent pas la manière de bien chanter aillent chez les maîtres pour apprendre à travailler. » Aussi d’autres auteurs proposent la même solution. Bartolomeo Bismantova, par exemple, soixante-trois ans plus tard, après avoir énuméré une série de « manières » de réaliser « l’Acento » expédie le lecteur en écrivant : « Toutes ces manières on va les apprendre chez les grands maîtres et surtout chez celui qui est un vrai professionnel; qui enseigne à bien chanter; et aussi en écoutant chanter les meilleurs virtuoses. » (21)
Toujours sur la manière d’atteindre cette agilité, on trouve des précisions sur les défauts à éviter. Quelques années plus tard, Francesco Rognoni Taegio ressent le besoin de signaler que « certains chantres ont parfois une façon de vocaliser en marquant le passage de manière déplaisante chantant a-a-a comme s’il riaient » (22). En lisant ensuite que « la roulade veut sortir de la poitrine et non de la gorge » (23), il peut paraître qu’il existe une contradiction entre lui et Brunelli. En réalité, si l’on fait une lecture physiologique des deux textes, on peut déduire que le terme « gorge » est employé par les deux auteurs dans deux acceptions différentes et que, même si de façon pas trop évidente, les préceptes se complètent ainsi : l’agilité doit être obtenue avec le soutien de la respiration (poitrine) battant les sons avec la glotte mais évitant de transformer les trilles en rafales de rire... comme il arrive aujourd’hui de l’entendre chez de célèbres chanteurs de musique ancienne.
Bovicelli nous laisse un doute : dans quelle mesure le doubles croches doivent-elles être détachées? Le bon sens nous l’explique, après peut-être la lecture du traité de Pier Francesco Tosi au XVIIIe siècle qui conseille que le passage d’une note à l’autre « se fasse par glissement ou traînement dans le pathétique, parce qu’il fait plus d’effet que lorsqu’il est battu » (24). Cela veut dire que le staccato est plus brillant tandis que le legato est plus méditatif et cela dépend du « bon goût et fin jugement » du chanteur qui dose ces moyens techniques de la manière la plus adéquate à ses fins expressives.
Cherchant à traduire en pratique dans le domaine concret ce qu’on a dit, les effets sur la voix sont les suivants :
- une augmentation sensible de l’intensité, qui se produit en accord avec l’inclinaison vers le bas et en avant du cartilage thyroïdien, nécessaire pour perler les notes des vocalises;
- un certain arrondissement du timbre qui correspond à l’abaissement du premier formant, du, à son tour, à un léger allongement vers le bas de la cavité pharyngienne;
- un son plus émaillé (« dans la masque » selon le jargon vocal), qui est causé, du point de vue acoustique, par la hausse du troisième formant; cette hausse est déterminée par la restriction de la section de la cavité buccale comme conséquence du recourbement du dos de la langue vers le palais.
La voix qui en dérive est donc un instrument qui, dans le « recitar cantando », est plus apte à poser l’accent sur le deuxième son.


LA « SONORITÀ » OU VALEUR DU TIMBRE DES MOTS


Un phénomène dont je n’ai jamais trouvé trace dans les sources musicologiques mais qui ressort indéniablement de l’analyse, est celui de l’emploi du timbre de la parole en musique. Les poètes ont toujours accordé une grande importance à cet aspect de la sonorité des mots et cela n’est pas nouveau, mais je voudrais rappeler aujourd’hui que la naissance du mélodrame se situe à mi-chemin entre les « Prose della volgar lingua » de Pietro Bembo (25) et « Il Cannocchiale aristotelico » de Emanuele Thesauro (26), dans les quels cet élément de la parole est traité explicitement.
Bembo, en 1525, écrit : « Pour ce que le concert qui naît de l’union de plusieurs mots prend source de chaque mot et chaque mot reçoit qualité et forme des lettres qu’il contient, il faut savoir quel est le son donné par chaque lettre, soit séparée soit accompagnée » (27). Ensuite il fait une analyse qualitative de la couleur des sons de la langue italienne.
En 1654, Thesauro recommence à traiter d’une façon tout à fait personnelle les mêmes arguments : « Je passe à l’autre embellissement de la parole, que notre Auteur (28) appelle « sonorité ». Cette sonorité provient de la beauté des voyelles retentissantes, de la netteté des consonnes et de la longueur des paroles » (29). Et lui aussi analyse les sons de la langue italienne.
Les deux auteurs cités, pour ce que j’en sais, sont ceux qui font preuve de la plus profonde connaissance des propriétés de la parole, mais ils ne sont pas les seuls à s’en occuper. Un ouvrage aussi pratique que, par exemple, le dictionnaire de rimes de Girolamo Ruscelli (30) procède ouvertement du même centre d’intérêt; mais ce n’est pas le lieu d’écrire l’histoire de l’attention des hommes des lettres aux aspects phonétiques de la langue.
Il est facile cependant de montrer, surtout dans les madrigaux, que les musiciens en ont fait un usage raisonnable. On pourrait même parler sans exagération d’une « instrumentation vocale » au sens où les phonèmes ont une structure acoustique parfaitement assimilable à celle du son des instruments. L’analyse montre que les musiciens choisissaient les textes littéraires de leur oeuvres en fonction aussi de leur couleurs et qu’en outre, en opposant les incises littéraires, comme il arrive dans leurs polyphonies, ils obtenaient des résultats qui ont la valeur d’une instrumentation « ante litteram ».
La même chose arriva plus tard dans le domaine monodique et la lecture attentive des textes des airs strophiques révèle, par exemple, que la nouveauté de chaque refrain réside déjà dans la structure phonétique autant que das l’expressivité des paroles.
Le « recitar cantando » ne pouvait pas faire exception; c’est juste au contraire la recherche du « recitare » qui a exalté les aspects formels de la parole chantée. Par conséquent, jusque dans ce genre musical, on a exigé de la voix qu’elle reproduise dans le chant la même raffinée « klangfarbenmelodie » des textes poétiques; mais pour y arriver il a fallu les techniques vocales appropriées.
Étant donné une certaine connaissance des aspects bio-mécaniques de ces techniques (31), les mêmes conclusions peuvent être soumises à une contre épreuve de genre culturel : la question de savoir quels caractères acoustiques devaient présenter les émissions vocales pour répondre au but recherché.
Toutes les manifestations artistiques de l’époque montrent la recherche d’un poli formel, qui n’est jamais absent, même dans les moments de plus grande agitation (voyez, par exemple, « L’me damnée » du Bernin au Palazzo di Spagna à Rome) et on ne voit pas pourquoi le chant aurait du faire exception.
Le meilleur moyen pour obtenir ce poli dans le son de la voix c’est de déterminer, grâce à un comportement phonatoire approprié, une certaine résonance pharyngienne qui produit une rondeur de timbre modérée et homogène dans toute l’étendue de la voix. Cette manoeuvre phonatoire se traduit à l’extérieur grâce à une légère tension en avant et vers le bas du menton et des lèvres inférieures; elle provoque l’ouverture de la bouche verticalement en éliminant toute contraction du visage. Le moment où le visage du chanteur offre l’aspect le plus serein et gracieux coïncide avec celui de la douceur vocale la plus remarquable et les représentations picturales constituent un témoignage irréfutable de cette pratique.
L’omogeneité du timbre ainsi obtenue se fait au dépens des exigences de l’articulation et même de la variété vocalique. A’ ce moment ce sera l’articulation interne, réalisée par de très précis mouvements de la langue dans le plan sagittal, qui déterminera de façon très claire la palette des timbres de la langue italienne.
Ce qu’on vient de dire, on ne peut pas le tirer directement des documents de l’époque dont ce cours s’occupe, mais l’on peut le déduire en complétant les uns par les autres les textes d’auteurs allant de Maffei (32) jusqu’à Giambattista Mancini (33); il est certain que l’extrapolation serait hardie si la continuité de la documentation iconographique ne se superposait pas à la continuité de la tradition vocale.
Un problème plus subtil mais non moins intéressant est celui de l’émail du timbre qui, comme on a déjà dit, consiste dans le renforcement des harmoniques compris dans la zone la plus sensible de l’oreille. Le goût actuel fait grand cas de cette caractéristique sonore, cependant le renforcement de cette région du spectre n’en détermine pas moins une sorte de masquage interne du timbre, qui atténue le caractère propre de chaque voyelle au profit d’une meilleure perception de la voix au sein des ensembles orchestraux.
Une voix si émaillée n’est sûrement pas l’idéal pour chanter avec un luth mais quand le nombre des instruments concertants augmente, un éclat plus grand est opportun. Inutile de se faire des illusions sur la possibilité de retrouver les fines nuances du timbre de voix irrémédiablement perdues, mais il me semble tout à fait raisonnable de dater à la naissance de la monodie le début d’une évolution de l’art vocal qui nous mène aux actuelles voix en puissance, faites surtout d’éclat.


L’EXPRESSION MIMIQUE DES « AFFETTI »


Le mime est, à l’époque que nous sommes en train d’étudier, l’une des formes les plus importantes de la communication. Ce n’est pas par hasard que, en 1616, Giovanni Bonifacio publie « L’art des gestes, par laquelle se forme une langue visible... » (34); il y a en effet un ensemble de traités que les amateurs de danse historique connaissent bien, où le langage du corps est exposé et enseigné comme une très importante forme de communication sociale.
Il est significatif, par exemple, que Silvestro Ganassi, dès 1542, dans le deuxième chapitre de son oeuvre « Regula Rubertina » ressente la nécessité de traiter « Du mouvement de la personne » comme moyen déterminant de l’expression instrumentale aussitôt après avoir traité dans le premier sur la « Facon de tenir la viole » (35). En outre, il serait gênant de citer les auteurs qui, de façon plus ou moins explicite, traitent de l’importance du rôle du mime dans l’expression musicale à cause des omissions auxquelles on serait conduit. Pour ceux qui veulent vérifier la portée du phénomène, je me permets de signaler comme d’habitude Angelo Solerti (36)(37) et l’article, jamais assez loué, de Federico Mompellio: « Un certain ordre de procéder qu’on ne peut pas écrire"(38).
Étant donné le thème de ce cours, je voudrais attirer l’attention sur la « Rappresentatione di Anima, et di Corpo ». Le dernier des « Avertissements particuliers pour qui chantera en récitant et pour qui sonnera » dit: « Le signe .S. signifie « incoronata » (= couronnée) et sert à reprendre halène et à donner un peu de temps pour faire quelque motif. » (39). Le terme « motif » ne doit pas tromper: il ne désigne aucune diminution de notes, comme on va vérifier toute à l’heure. Le sens du mot avait déjà été élucidé dans les avertissements « Aux Lecteurs": « Que le chanteur (...) chante (...) sans passages, et en particulier, (...) qu’il exprime bien les paroles, afin qu’elles soient entendues, et les accompagne avec des gestes et motifs pas seulement de mains mais aussi de pas qui aident à bien émouvoir."
Connaissant cette indication, l’examen de la partition devient très intéressant. S’il est raisonnable de penser que le signe de « incoronata » désigne surtout la respiration, on observe aussi qu’il tombe là où chaque figure rhétorique suscite des images, prenant ainsi le sens d’une indication de mise en scène.
Il y a malheureusement en phonétique un étrange lacune de la connaissance des rapports entre mime et voix; pourtant ce serait un domaine de recherche très fécond parce qu’il existe des corrélations précises entre les mouvements des muscles mimiques, les variations causées par ces mouvements au comportement du larynx et à la forme et aux dimensions du conduit vocal et les fluctuations qui s’en suivent dans la structure acoustique de la voix. Cependant, pour saisir au téléphone des nuances expressives d’un interlocuteur sans le voir, personne n’a besoin d’un appareil d’analyse car l’expérience nous a appris à interpréter les variations du timbre vocal et à en capter le sens expressif. D’ailleurs, tout l’art vocal de l’acteur se fonde sur la capacité à reproduire ces intonations de la manière et dans les moments plus opportuns.
Dire cela peut paraître banal mais ça ne l’est pas du tout si on tient compte que nous avons comme modèle vocal de référence une façon de chanter très conditionnée par les changements du goût survenus entre 1820 et 1840. Il est connu que dans ces années-là un style de chant considéré comme que retentissant devient à la mode en Italie, avec la nouvelle technique vocale caractérisée par l’abaissement du larynx. Si l’on relie entr’elles le donnés qu’on va examiner maintenant, plusieurs éléments prennent un sens nouveau: - les chanteurs qui introduisent ce nouveau style de chant viennent ou reviennent de la France;
- dans la langue française, qui, sauf peu de cas, n’a pas l’opposition entre consonnes simples et géminées (40), l’accent qu’on appelle « d’insistance » a grande importance expressive; dans la voix parlée il consiste à donner de l’emphase à une parole par le renforcement et l’élévation du ton d’une syllabe significative, et surtout avec l’allongement de la consonne de cette syllabe (41), comme l’a d’ailleurs déjà montré Jean-Antoine Bérard dans son « Art du chant » (42);
- la capacité expressive lyrique de nos jours, meme quand il s’agit d’opéra italien, est caractérisé par la tenue de voix issue de Gluck comme par l’emphase obtenue justement par le redoublement des consonnes;
- la capacité expressive verbale de la langue italienne, au contraire, est plus caractérisé par la modulation des voyelles et, dans le chant, par le prolongement de celle-ci jusq’a l’extrême limite de la note pour réaliser ce qu’on appelle le « chant lié » voyez l’avant-propos de la première leçon et l’ariette « Manca sollecita » de la « Méthode pratique de chant italien... » de Nicola Vaccaj (43)).
Cela dit, on peut avec raison relier ces éléments dans la façon suivante:
- la manière actuelle de chanter, utilisée pour obtenir une voix très ample, est caractérisé par la homogénéité du timbre - et, par conséquence, par une diminution de la compréhensibilité - mais, même dans les opéras italiennes, elle arrive à trouver sa capacité expressive à travers des formules empruntées à la langue française;
- la manière pré-romantique de chanter, au moins dans la musique italienne, devrait donc logiquement trouver sa vérité dans les caractéristiques phonétiques de la langue italienne;
- la mimique faciale exerce una grande influence sur les intonations de la voix dans l’expression des passions ou, en italien, des « affetti";
- les renseignements sur l’importance du mime dans le « recitar cantando » sont sans équivoque.
Je crois donc pouvoir conclure que les techniques vocales les plus efficaces pour atteindre ces résultats expressifs étaient des comportements phonatoires très souples, capables d’obtenir de la voix chantée les modulations expressives du timbre de la voix parlée. Je suis un peu gêné de tirer par des syllogismes, une conclusion si évidente qu’elle semble superflue, mais l’écoute de nombreuses exécutions modernes de musiques anciennes, qui paraissent des suppléments de peine pour un parricide plutôt que des occasions de plaisir à cause de l’ennui engendré par leur incapacité expressive, m’a poussé à le faire.


CONCLUSION


Essayons maintenant de conclure.
On a tenté d’analyser les caractéristiques les plus significatives des techniques de chant à l’aube du mélodrame et on a cru pouvoir les répartir en trois composants du goût vocal de ce temps-là - agilité, couleur phonétique du mot et capacité expressive représentative - qui correspondent à autant de domaines - technique, littéraire et théâtral - de la voix chantée.
On peut à l’évidence en déduire que la manière de chanter dans les premières opéras devait être la plus apte à réaliser ces idéaux esthétiques. Il n’est donc pas hasardeux de présenter une reconstruction théorique des techniques vocales qui pouvaient le mieux y répondre.
Une étude précédente, où le même problème a été examiné du point de vue bio-mécanique, et où les sources musicologiques ont été examinées dans une perspective phonétique et physiologique, donnait des résultats qui convergent dans la même direction.
Cependant, si on analyse les mêmes documents à travers des grilles de lecture obtenues par l’exploration des documents médicaux contemporains, on retire l’impression que plusieurs opinions courantes sur le chant dans les premiers mélodrames doivent être modifiées. La rationalisation la plus nécessaire à apporter à l’histoire de l’art vocal consiste, non pas à rechercher des antithèses entre l’ancien et le moderne, qu’il faudrait toutes démontrer, mais plutôt à retrouver des constantes et à identifier des variables dans la courbe évolutive de l’emploi de la voix dans le chant.


NOTES


(1) Mauro UBERTI, « Vocal techniques in Italy in the second half of the 16th century », in Early Music 9 No 4, London, October 1981, pp. 486-495.


(2) Ludovico ZACCONI, Prattica di musica, Venezia, Polo 1592, c.52v: « molti imparano di cantare per cantar piano & nelle Cammere, ove s’abborisce il gridar forte, & non sono dalla necessità astretti a cantar nelle Chiese, ò nelle Capelle ove cantano i Cantori stipendiati ».


(3) Francesco LUISI, intervention au XIII Convegno Europeo sul Canto Corale sur ‘Il ruolo del direttore di coro oggi’, Atti e documentazioni, Gorizia, Corale Goriziana « C.A. Seghizzi », settembre 1982, P. 46: « C’è un periodo, a partire almeno dal 1455 e fino alla fine del secolo in cui alla corte estense sono presenti contemporaneamente 14 musicisti (che in seguito aumenteranno) impiegati nella musica profana (cantori e strumentisti) ma non conosco testimonianze che indichino che alcuno di questi fosse impiegato nella Cappella di Corte per cantare mottetti o Messe. Era il periodo in cui alla Corte di Ferrara passavano musicisti importanti come Josquin des Prez, Japart, Martini, Ghiselin, Isaac e Obrecht, ma questi avevano a disposizione i cantori della Cappella e si può escludere che utilizzassero cantori appartenenti all’altra sezione, proprio perché questi ultimi cantavano la musica profana e mostravano un peculiare stile esecutivo. Ecc. ».


(4) Claudio ANNIBALDI, communication personnelle.


(5) Pour une première avance à la documentation relative cfr. les deux études sur les journaux de la Chapelle Sixtine de Herman-Walther FREY: « Die Gesange der Sixtinischen Kapelle en der Sonntagen und Hohen Kirchenfesten des Jahres 1616 » en Mélanges Eugène Tisserant, vol. VI, Città del Vaticano, 1964, pp. 395-437 et « Das Diarium der Sixtinischen Sangerkapelle in Rom fur das Jahr 1594 (Nr. 19) » in Analecta Musicologica, X, Koln, 1974, pp. 445-505-


(6) Claudio MONTEVERDI, Lettere, dediche e prefazioni par les soins de D. de’ Paoli, Roma, 1973, p. 48.


(7) Ibidem, p. 86.


(8) ISIDORUS HISPALENSIS, « Sententiae de Musica » en: M. Gerbert, Scriptores ecclesiastici de musica, I, St. Blasien, 1784, p. 22.


(9) Bénigne de BACILLY, L’art de bien chanter, Paris, Chez l’Auteur, 1679, pp. 35-47.


(10) Giovanni Camillo MAFFEI, Delle lettere del S.or Gio. Camillo Maffei da Solofra Libri due, Napoli, Amato, 1562, p. 198, in Nanie BRIDGMAN, « Giovanni Camillo Maffei et sa lettre sur le chant », en Revue de Musicologie, XXXVIII, Paris, juillet 1956, p. 9: « un’altro non vorrebbe sentir se non passaggi di garganta, un lodar il cantar dolce, e soave, un’altro il cantar nella cappella. ».


(11) Girolamo MERCURIALI, Artis Gymnasticae apud antiqvos... libri sex, Venezia, Giunta, 1599, c. 110r.: « magno longo tempore efficere vocem est timorosum, quodue ex praedictis voci exercitationibus saepe numero hernias, aliasque crepaturas oriri contingit, sicuti nostrates sacerdotes, aut cantores certam fidem facere possunt; ».


(12) Quoi que la lecture la plus instinctive du mot « crepaturas » en termes médicaux soit: « pneumothorax spontané », c’est plus probable que Mercuriali parle de manifestations de tubercolose, à ces temps là tres fréquente et cela pose des problèmes medico-sociaux sur les conditions de travail des musiciens de son temps.


(13) Bernardino RAMAZZINI DA CARPI, Le malattie degli Artefici..., Venezia, Occhi, 1745, p. 279.: « Suonatori di stromenti da fiato, (...) Cantori, Predicatori, Monaci, e ancora (...) Monache a motivo del continuo Salmeggiare ne’Cori; gli Avvocati da tribunali, i Banditori, i Ripetitori, i Filosofi che nelle scuole disputano fin ad affiochire (...) Cotesti dunque per lo più sogliono patir d’ernia ».


(14) Camillo MAFFEI, Idem, p.34.


(15) Caius SVETONIUS TRANQUILLUS, « De vita Caesarum libri VIII. Neronis vita », en Le vite di dodici Cesari, par les soins de G. Vitali, Bologna, Zanichelli, 1954, II, p. 78: « paulatim et ipse meditari exercerique coepit, neque eorum quicquam omittere, quae generis eius artifices vel conservandae vocis causa vel augendae factitarent: sed et plumbeam chartam supinus pectore sustinere ».


(16) Ludovico Zacconi, ibidem, c.58v.


(17) Mauro UBERTI, « Il comportamento di un modello meccanico come ipotesi sulla formazione del vibrato vocale » en Atti del Convegno AIA 81, Roma, ESA, pp. 55-57.


(18) Gio. Battista BOVICELLI, Regole, passaggi di musica, madrigali e motetti passeggiati, Venezia, Vincenti, p. 14.


(19) Idem.


(20) Antonio BRUNELLI, Varii esercitii, Firenze, Pignoni, 1614, « Avvertimenti a i benigni lettori ».


(21) Bartolomeo BISMANTOVA, Compendio Musicale, Ferrara, ms.,1677, fac-simile, S.P.E.S, Firenze, p. 25: « Tutte queste maniere, s’impareranno da buoni Maestri; e massime; dà chi fa proffessione uera; d’insegnar bene à cantare; et anco in sentir cantare li buoni Virtuosi. ».


(22) Francesco ROGNONI TAEGIO, Selva de varii passaggi..., Milano, Lomazzo, 1620, « Avvertimenti alli Benigni Lettori": « Sono certi Cantori, che alle volte hano vn certo modo di gorgheggiare (alla morea) battendo il passaggio à vn certo modo da tutti dispiaceuole, cantando aaa, che pare, che ridano ».


(23) Idem.


(24) Pier Francesco TOSI, Opinione de’ cantori antichi e moderni, Bologna, Dalla Volpe, 1723, p. 112.


(25) Pietro BEMBO, Delle Prose di M. Pietro Bembo nelle quali si ragiona della volgar lingua..., Venezia, Tacuino, 1525.


(26) Emanuele THESAURO, Il cannocchiale aristotelico, Torino, Sinibaldo, 1654.


(27) « Delle Prose..., Secondo Libro », in Prose e Rime di Pietro Bembo, par les soins de C. Dionisotti, Torino, p. UTET, 1966, p. 147: « Ora perciò che il concento, che dal componimento nasce di molte voci, da ciascuna ha origine, e ciascuna voce dalle lettere, che in lei sono, riceve qualità e forma, è di mestiero sapere, quale suono rendono queste lettere, o separate o accompagnate, ciascuna."


(28) Aristote.


(29) Idem, p. 213: « Passo all’altro abellimento della Parola, che col nostro Autore dinominammo SONORITA. Hor questa Sonorità nasce dalla BELTA delle SQVILLANTI VOCALI: dalla NETTEZZA delle CONSONANTI: & dalla GRANDEZZA delle Parole. ».


(30) Girolamo RUSCELLI, Del modo di comporre in versi nella lingua italiana, Venezia, Sessa, 1587.


(31) Cfr. note 1.


(32) Cfr. note 9.


(33) Giambattista MANCINI, Riflessioni pratiche sul canto figurato, Milano, 1777, p. 110.


(34) Giovanni BONIFACCIO, L’arte de’ cenni con la qvale formandosi favella visibile, si tratta della muta eloqvenza, che non è altro che vn facondo silenzio, Vicenza, Grossi, 1616.


(35) Sivestro GANASSI, Regula Rubertina, Venezia, ad instantia de l’autore, 1542.


(36) Angelo SOLERTI, Le origini del melodramma, Torino, 1903, fac-simile: Bologna, Forni, 1969.


(37) Angelo SOLERTI, Gli albori del melodramma, Torino, 1903, fac-simile: Bologna, Forni, 1976.


(38) Federico MOMPELLIO, « Un certo ordine di procedere che non si può scrivere » in Scritti in onore di Luigi Ronga, Milano-Napoli, Ricciardi, 1973.


(39) Emilio de’ CAVALIERI, Rappresentatione di Anima, et di Corpo, Roma, Muzzio, 1600, « Auuertimenti particolari per chi cantarà recitando: & per chi suonarà.


(40) Bertil MALMBERG, Manuale di fonetica generale, Bologna, Il Mulino, 1977.


(41) Idem. Pour un plus ample développement du sujet cfr. Fernand CARTON, Introduction à la phonétique du français, Paris, Bordas, 1974, pp. 117-123.


(42) Jean-Antoine Bérard, L’Art du chant, dedié à Madame de Pompadour, Paris, 1755, pp. 95-101.


(43) Nicola VACCAJ, Metodo pratico di canto italiano per camera (c.a. 1833), Frankfurt, Peters, 1942.

 

Résumé


Dans cette étude on a tenté d’analyser les caractéristiques les plus significatives des techniques de chant à l’aube du mélodrame et on a cru pouvoir les répartir en trois composants du goût vocal de ce temps-là - agilité, couleur phonétique du mot et capacité expressive représentative - qui correspondent à autant de domaines - technique, littéraire et théâtral - de la voix chantée.
On peut à l’évidence en déduire que la manière de chanter dans les premières opéras devait être la plus apte à réaliser ces idéaux esthétiques. Il n’est donc pas hasardeux de présenter une reconstruction théorique des techniques vocales qui pouvaient le mieux y répondre.
Une étude précédente, où le même problème a été examiné du point de vue bio-mécanique, et où les sources musicologiques ont été examinées dans une perspective phonétique et physiologique, donnait des résultats qui convergent dans la même direction.
Cependant, si on analyse les mêmes documents à travers des grilles de lecture obtenues par l’exploration des documents médicaux contemporains, on retire l’impression que plusieurs opinions courantes sur le chant dans les premiers mélodrames doivent être modifiées. La rationalisation la plus nécessaire à apporter à l’histoire de l’art vocal consiste, non pas à rechercher des antithèses entre l’ancien et le moderne, qu’il faudrait toutes démontrer, mais plutôt à retrouver des constantes et à identifier des variables dans la courbe évolutive de l’emploi de la voix dans le chant.

(Traduction de Pierre Bonniffet et Charles Whitfield)